Lydie Jean-Dit-Pannel,
A Long Way,
Vue de l’exposition,
Extérieur,
Oeuvre Great Again, 2024,
Courtesy de l’artiste,
© Photo Aurélien Mole
© Lydie Jean-Dit-Pannel, ADAGP, Paris, 2024

Lydie Jean-Dit-Pannel,
A Long Way,
Vue de l’exposition,
Verrière,
Installation A Long Way, 2024
Courtesy de l’artiste,
© Photo Aurélien Mole
© Lydie Jean-Dit-Pannel, ADAGP, Paris, 2024

Lydie Jean-Dit-Pannel,
A Long Way,
Vue de l’exposition,
Petite Galerie,
Courtesy de l’artiste,
© Photo Aurélien Mole
© Lydie Jean-Dit-Pannel, ADAGP, Paris, 2024

Lydie Jean-Dit-Pannel,
Sans Armure,
Vue de la programmation vidéo,
Oeuvre Ad Infinitum, 2024,
Courtesy de l’artiste,
© Photo Aurélien Mole
© Lydie Jean-Dit-Pannel, ADAGP, Paris, 2024

Lydie Jean-Dit-Pannel,
A Long Way,
Vue de l’exposition,
Galerie Haute,
Courtesy de l’artiste,
© Photo Aurélien Mole
© Lydie Jean-Dit-Pannel, ADAGP, Paris, 2024

Lydie Jean-Dit-Pannel,
A Long Way,
Vue de l’exposition,
Galerie Haute,
Courtesy de l’artiste,
© Photo Aurélien Mole
© Lydie Jean-Dit-Pannel, ADAGP, Paris, 2024

Lydie Jean-Dit-Pannel,
A Long Way,
Vue de l’exposition,
Galerie Haute,
Courtesy de l’artiste,
© Photo Aurélien Mole
© Lydie Jean-Dit-Pannel, ADAGP, Paris, 2024

Lydie Jean-Dit-Pannel,
A Long Way,
Vue de l’exposition,
Galerie Haute,
Courtesy de l’artiste,
© Photo Aurélien Mole
© Lydie Jean-Dit-Pannel, ADAGP, Paris, 2024

Lydie Jean-Dit-Pannel,
A Long Way,
Vue de l’exposition,
Galerie Haute,
Courtesy de l’artiste,
© Photo Aurélien Mole
© Lydie Jean-Dit-Pannel, ADAGP, Paris, 2024

Lydie Jean-Dit-Pannel,
A Long Way,
Vue de l’exposition,
Galerie Haute,
Courtesy de l’artiste,
© Photo Aurélien Mole
© Lydie Jean-Dit-Pannel, ADAGP, Paris, 2024

À l’aube du dernier cycle de sa huitième saison artistique intitulée Nos maisons apparentées, le Centre d’art contemporain – Les Tanneries se fait le refuge d’expériences intimes, par lesquelles les gestes artistiques dialoguent avec la nature, se connectent aux paysages, se mêlent aux écosystèmes, portant une attention particulière aux bruits du monde et révélant l’infinité des espaces environnants.

Maisons habitées d’éléments à la fois naturels et artificiels, collectés, assemblés et glanés, Les Tanneries donnent à voir des passages fantomatiques, des trajectoires impalpables, à percevoir et à éprouver. À l’image d’un journal de bord, griffonné de récits parfois tourmentés, désenchantés, mais aussi optimistes et radieux, l’étage des Tanneries accueille l’exposition A Long Way de Lydie Jean-Dit-Pannel (8 novembre – 15 septembre 2024) et avec elle, les traces du périple de l’artiste vers Nowhere – Nulle Part – en Oklahoma. Deux marches, menées en miroir à quelques mois d’intervalle, conduisant inévitablement l’artiste vers cette même destination. Une errance aux allures post-apocalyptiques à la fois joyeuse et nostalgique, symbolisant un renouveau, une renaissance – voire une disparition.

L’étage du Centre d’art se pare ainsi de collections compulsives aux formes plurielles, de cartographies symboliques, de photographies mémorielles et d’amoncellement d’objets familiers, mis en regard par la commissaire d’exposition Bénédicte Ramade[1], spécialiste en art écologique, avec les sculptures de Richard Long se déployant dans l’espace de la Grande halle, au cœur de l’exposition intitulée Richard Long, de pierres (8 juin 2024 – 3 novembre 2024) réalisée grâce aux prêts d’œuvres issues de grandes collections publiques (Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, CAPC Musée d’art contemporain de Bordeaux et FRAC Bourgogne).

Un dialogue prend forme entre ces deux artistes singuliers qui font de la marche un art à part entière, habitant à la fois les espaces extérieurs et intérieurs, mettant en lumière la singularité des lieux traversés.

En prolongement de son exposition, Lydie Jean-Dit-Pannel propose une programmation intitulée Sans armure (8 juin – 15 septembre 2024), série d’œuvre vidéographiques d’artistes, Jade Jouvin, Nicolas Laura Graff, Héloïse Roueau et User Unknown, auprès desquels elle a enseigné à l’École Nationale Supérieure d’Art de Dijon.

 

 

Textes écrits par la commissaire d’exposition Bénédicte Ramade dans le cadre de l’exposition A Long Way de Lydie Jean-Dit-Pannel

 

Sous la Verrière en lien avec l’installation A Long Way[2]

Autant l’œuvre de Richard Long – White Rock Line – installée au rez-de-chaussée est d’une blancheur et d’une noblesse minérale, porteuse d’une histoire millénaire d’accumulations et de strates, autant celle de Lydie Jean-Dit-Pannel dit une complexité temporelle, liant les temps de la consommation effrénée, du désamour fulgurant à celui d’une dégradation lente des matériaux de synthèse.

En répondant par son exacte longueur à l’œuvre mythique de Long, l’artiste rend un hommage complexe et déploie une noirceur qui condense les affres d’un plasticocène non-recyclable. L’artiste a glané ces quarante mètres de déchets noirs au cours de ses marches qu’elle pratique comme un art, à l’instar du maître Britannique. Là où ce dernier bât la campagne et choisit des lieux dénués d’empreinte humaine et entretient l’illusion d’une terre intacte, Lydie cible ce que l’humain fait au territoire.

Il ne lui a pas fallu aller si loin, simplement partir de son atelier de la première couronne parisienne et la « manne » était là, à portée de main, en renouvellement constant, une inépuisable source noire. Dans cette coupe archéologique de nos modes de vie, de production, de consommation et d’épuisement, ces produits éclectiques disent autant une diversité pétrochimique et un « terroir » anthropocène, que l’épuisement des ressources et le découragement sisyphéen devant cet éternel recommencement.

 

Dans la Petite Galerie  

Présente dans les Métamorphoses d’Apulée écrites au IIe siècle, Psyché est le symbole de l’âme humaine purifiée par les passions et les tourments, rendue éternelle par son amour pour Cupidon. Lydie Jean-Dit-Pannel en a fait son double depuis 10 ans, car « à chaque fois que Psyché est tourmentée, veut en finir, est en danger, elle est sauvée par des éléments naturels (vent, fleuve, fourmis…) ».

L’artiste lui a prêté son enveloppe charnelle dessinée de tatouages-témoins de ses performances et de séries d’œuvres, notamment de nombreux papillons monarques, forme sous laquelle Psyché est le plus souvent représentée, affublée d’ailes ou accompagnée de lépidoptères. Dans la série 14 secondes, l’artiste a emmené son double sur les routes de sites nucléaires en France, en Europe et aux États-Unis, sans oublier les lieux de catastrophes, Tchernobyl et Fukushima. Le corps sans énergie de l’artiste-Psyché gisait dans ces paysages lourds de sens et aux panaches de vapeur caractéristiques, face contre sol, suivant un protocole immuable.

L’humain a été capable de fabriquer des nuages avec ses activités industrielles, il a aussi marqué son époque jusqu’à lui en donner son nom, l’Anthropocène. Dans les âpres débats à propos des bornes temporelles de cette ère de l’humanité, c’est l’atomique qui en serait le clou d’or et 1952 constituerait l’an 1 de cet Atomicocène. Psyché avait vu juste.

Lydie Jean-Dit-Pannel l’a aussi emmenée sur d’autres sites à la toxicité physique ou idéologique pour la série Entertainment. Puis c’est à Nowhere (Oklahoma), en 2023, au terme d’une marche épique de 107 jours, qu’elle s’est photographiée une dernière fois avec sa lanceuse d’alerte.

On aurait pu croire Psyché terrassée par tant de poisons, mais sa pugnacité l’a fait traverser ces terres de danger, elle s’est pliée aux exigences des défis, moins divins que terrestres. Elle a désormais trouvé le repos dans un corps de céramique, l’alliage du feu et de la terre justement.

 

Dans la Galerie Haute

Lydie Jean-Dit-Pannel marche, beaucoup, loin, longtemps. Elle va Nulle part, au Bout-du-Monde, a traversé La Vie. Nowhere (littéralement nulle part en anglais) est une petite ville d’Oklahoma que l’artiste a rallié à pied depuis New York (2022), puis Los Angeles l’année suivante. Seule, flanquée de son fidèle chariot Werner, elle a arpenté les routes infiniment droites, fait des rencontres improbables, sauvé des tortues, a été confrontée à des épisodes climatiques intenses, a subi la chaleur, les inondations. Elle s’est poussée à bout, elle nous a parfois fait peur, à nous qui suivions à distance sa progression via ses bulletins quotidiens. Elle a inscrit chacune des étapes marquantes sur sa jambe droite-témoin laissant le choix de la calligraphie à ses tatoueurs et tatoueuses de circonstance. Choisir d’aller Nulle part, c’est crier son impuissance et sa colère face à un monde qui part en vrille, dont les humains ne prennent pas soin. Pour conjurer le sort peut-être ? Il y avait du bravache et du désespoir dans ces marches déraisonnables. S’y trouve aussi un fol espoir.

Elle se donne des missions, s’impose des protocoles de distance, de destination comme le land artiste Richard Long le fait depuis la fin des années 1960. Sauf qu’avec Lydie Jean-Dit-Pannel le sens du politique, le goût pour une sociologie des espaces et des gens ne la font pas fuir le contact. Ses images comme ses mots documentent ses périples, parfois périlleux, semés d’embûches. Des marches de Long, on sait toujours trop peu, pas assez. Les marches de Lydie sont bien plus révélatrices, au détour de l’absurde d’une destination (le Bout du Monde est en Bourgogne, La Vie sourd en Normandie), d’un défi cartographique (se plier aux injonctions des restrictions de déplacements pendant la crise du Covid 19 – Pas dans la dentelle, 2021), se déroulent des toponymies, des villes fantômes, des tombes en manque d’amour, des récits d’auteurs admirés (Charles Bukowski, Verlaine, Rimbaud, Werner Herzog). Elle a même fait le tour de Vaduz (Lichtenstein) en hommage au poète sonore Bernard Heidsieck.

Chemin faisant, elle glane, inspirée par la grande glaneuse d’histoires que fut la cinéaste Agnès Varda : des vieux drapeaux fatigués, des déchets noirs, des blancs, des brillants, des promesses de bonheur ou de soulagement (des emballages médicaux et des jeux à gratter perdants composent Sur les chemins, l’espoir, 2021), des pancartes, des fleurs de cimetières brisées (Printemps, 2022).

Elle emprunte à la forêt de délicats nids d’oiseaux abandonnés par leurs artisans-bâtisseurs qu’elle abrite comme des trésors dans de petits écrins admiratifs (Ruines, 2018-2024). Ses collections et ses records disent son engagement, la puissance de ses emballements comme de ses découragements qu’elle sait métaboliser dans des œuvres délicatement provocantes, au fil de chemins aux desseins paramétrés pour accueillir l’inattendu.

 

[1] Bénédicte Ramade est historienne de l’art spécialisée dans les pratiques artistiques en lien avec les enjeux environnementaux et écologiques depuis la fin des années 1990. Son ouvrage Vers un art anthropocène. L’art écologique américain pour prototype paru en 2022 aux Presses du réel, actualisation de son doctorat réalisé en esthétique et histoire de l’art à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a été finaliste du prix Pierre Daix du livre d’histoire de l’art en 2023. Le prix d’excellence en recherche et en recherche-création pour les personnes chargées de cours de la Faculté des arts de l’UQAM, Montréal, lui a été décerné en 2024 pour ses recherches sur l’anthropocénisation des savoirs et des pratiques artistiques, la diversité botanique et les études animales.

Dans sa pratiques curatoriale, elle a mis en espace les interrogations et découvertes faites au cours de ses recherches : Acclimatation (Villa Arson, Nice, 2009-2010) ; Rehab, L’art de refaire (Fondation EDF, Paris, 2010-2011), The Edge of the Earth. Climate Change in Photography and Video (Image Centre, UMT, Toronto, 2016) ; Apparaître-Disparaître (Fondation Grantham pour l’Art et l’environnement, Saint-Edmond-de-Grantham, QC, 2019) ; Temps longs, (Galerie de l’UQAM, 2021).

Elle est chercheure associée à la Chaire CREAT (Université de Montréal), au CELAT et à FIGURA (UQAM) et chargée de cours dans ces deux universités. Elle vit et travaille à Montréal, Canada.

 

[2] Lydie Jean-Dit-Pannel, installation située sous la Verrière des Tanneries, assemblage au sol de déchets de plastique noir collectés lors de marches du quartier de résidence et de travail de l’artiste (Vanves – Malakoff), 4000 x 150 cm, 2024

 

 

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Les artistes programmé.e.s au fil de la saison #8 – Nos maisons apparentées 

Cycle 1
Octobre
 : Marco Godinho, Un vent permanent à l’intérieur de nous, Tous les espaces

Cycle 2
Février
 : Diplômé.e.s et post-diplômé.e.s 2023 de l’École supérieure d’art et de design d’Orléans, Galerie Haute.
Un co-commissairat de Sophie Fétro, designer et théoricienne de design, maître de conférence en esthétique et sciences de l’art. 
Benjamin Mouly, Toucher de bouche, Verrière et Petite Galerie.
Mars : Romain Kronenberg, Seconde personne, un commissariat de Meris Angioletti, Grande Halle – Clément Bagot, Multimondes Multiples, Galerie Haute.

Cycle 3
Juin
: Lydie Jean-Dit-Pannel, A Long Way, Galerie Haute, Verrière et Petite Galerie – Richard Long, de pierres, Grande Halle. Un commissariat de Bénédicte Ramade.
Jade Jouvin, Nicolas Laura Graff, Héloïse Roueau et User Unknown (jeunes diplomé.e.s de l’École nationale supérieure d’art de Dijon), Sans Armure, Petite Galerie. Une proposition de Lydie Jean-Dit-Pannel.