Le réel dispose de son invention
Vernissage samedi 2 février à 15h, jusqu'au 31 mars 2019Julien Discrit, Etats inversés, 2015.
Livre en deux tomes, impression numérique indigo sur papier suprême mat, 27 x 34 cm chaque.
Courtesy Galerie Anne-Sarah Bénichou.
Vue de l’exposition dans la Galerie Haute
Benoit Platéus, Séance double – Héros, 2015.
Acrylique sur papier marouflé sur toile, 200 x 150 cm.
Vue de l’exposition dans la Galerie Haute
Vue de l’exposition dans la Galerie Haute
Vue de l’exposition dans la Galerie Haute
Javiera Tejerina-Risso, Uyuni, 2011.
Série photographique, 80 x 53 cm. Impression jet d’encre sur papier Hahnemuhle.
Till Roeskens, Aïda, Palestine, 2009.
Vidéographies (détail)
Vue de l’exposition dans la Galerie Haute
Vue de l’exposition dans la Galerie haute
À travers cette exposition convoquant les œuvres de dix artistes se décline une réflexion sur la façon dont les images se construisent et conditionnent nos représentations du monde. Un goût pour la science et les techniques en rapproche certains. La cartographie, le relevé pluviométrique, les techniques d’impression, l’enregistrement en temps réel de phénomènes naturels sont autant d’outils de transcription du réel dont ils s’emparent. D’autres interrogent le champ varié des images en déconstruisant les conditions d’émergence des visibilités qu’elles sous-tendent.
En explorant leurs propriétés, ils s’intéressent à ce que ces formes de médiation du réel recèlent de codes, de formes définies et modélisantes qui, si elles sont nécessaires à une approche commune des choses, sont insuffisantes pour traduire, dans une approche sensible, leur bruissement. S’engagent ainsi des « inventions » artistiques, des manières de déborder ces représentations conventionnelles pour faire surgir d’autres réalités, d’autres mondes possibles.
Cela se fait par une transposition de point de vue, chez Vincent Lamouroux et Julien Discrit, où les vides et les pleins permutent. Le premier a choisi de cartographier les contreformes, immatérielles, provoquées par les avions circulant dans les couloirs de vols. Le second a inversé les rapports de reliefs et de creux destinés à représenter un territoire géographique. Un autre paysage se crée, à l’intérieur duquel les lacs se bombent et les montagnes se creusent.
Chez Javiera Tejerina-Risso, une œuvre cinétique et connectée épouse en temps réel le mouvement des flux méditerranéens. Le regard se déploie donc d’une géographie à une autre, et l’œuvre se fait passerelle ou embarcadère.
Cette approche critique des images passe également par un retour à une forme de matérialité, de présence travaillée. Soit pour la déconstruire, comme c’est le cas de de Bernard Calet, pour mieux en détailler les montages, soit pour l’incarner sous la forme, paradoxale, d’un affleurement ou d’une disparition, comme c’est le cas de Léa Belooussovitch et de son grand triptyque réalisé à partir de photographies d’un bombardement à Haydan, au Yémen. Il en est de même pour Benoit Platéus s’hasardant dans ce qui reste d’un aperçu des choses, dans leurs revers observés au dos des images.
Cet effet de présence caractérise aussi les grandes aquarelles réalisées manuellement par Evariste Richer à partir de relevés pluviométriques ou cette duplication vacillante, réalisée au papier carbone, d’un relevé de la surface de la lune datant de 1910.
Till Roeskens s’intéresse également à ces transcriptions subjectives. En 2009, il invite des habitants du camp Aïda, à Bethléem, à décrire leur situation de réfugiés. Contournant volontairement tout type d’écriture documentaire normée, il joint le geste à la parole, le dessin au travail de la mémoire, pour faire apparaître la texture des existences et des situations vécues.
D’après le théoricien des médias, Vilém Flusser, jouer avec et contre les appareils optiques, c’est en désamorcer l’autorité. Un aspect auquel s’intéresse également Xavier Antin. En manipulant les paramètres d’impression de pièces d’imprimantes, de claviers et de plaques d’impression, il soumet la traditionnelle chaîne d’impression à toutes sortes d’épreuves qui en font surgir de nouvelles potentialités plastiques.
L’invention, telle que mentionnée dans le titre, s’apprécie dans son sens archéologique : celui d’un geste qui fait remonter à la surface du visible des présences enfouies, souterraines, comme autant de possibles que ces artistes travaillent à l’intérieur de champs de représentations présumés épuisés.